La ligue de l’enseignement
En 1852, alors que Louis-Napoléon Bonaparte rétablit l’Empire et supprime la IIe République, le journaliste républicain Jean Macé perçoit un danger pour la démocratie. Professeur en Alsace, il estime que l’éducation au suffrage universel est essentielle. Inspiré par un modèle belge, il fonde en 1866 la Ligue française de l’enseignement, destinée à rassembler et former les citoyens.
Dès l’année suivante, la Ligue compte 5 000 membres dans plus de 70 départements. Elle attire aussi bien des gens du peuple que des bourgeois éclairés, tous convaincus que l’instruction est un levier fondamental pour former des citoyens. En 1871, Macé lance une pétition pour une instruction gratuite, obligatoire et laïque, qui recueille plus d’1,3 million de signatures.
Avec la victoire des républicains en 1877-1879, les grandes lois scolaires voient le jour, sous l’impulsion de Jules Ferry et avec le soutien de Ligueurs influents comme Buisson, Bert ou Goblet : gratuité en 1881, obligation et laïcité en 1882, laïcisation du personnel enseignant en 1886. En 1881, la Ligue devient une organisation républicaine officielle, avec Léon Gambetta.
À partir de 1894, elle structure son action en créant, dans chaque canton, des associations laïques servant de relais entre citoyens et institutions. Elle joue aussi un rôle central dans l’élaboration de la loi de 1901 sur les associations. En 1905, les Ligueurs soutiennent la séparation des Églises et de l’État, même si leurs positions divergent sur les modalités. Finalement, la loi portée par Briand et soutenue par Jaurès consacre la liberté de conscience et la non-reconnaissance des cultes par la République.
En 1914, à la veille de la Grande Guerre, la Ligue est une force républicaine influente. Elle appuie les enseignants engagés dans ses actions culturelles et éducatives. Durant le conflit, elle mobilise ses réseaux au service du pays, mais en sort affaiblie, idéologiquement et humainement.
En 1925, elle se restructure et adopte le sous-titre de Confédération générale des œuvres laïques. Dès l’année suivante, des fédérations départementales se multiplient. Elle joue alors un rôle essentiel dans la défense de l’école publique.
À partir de 1928, la Ligue crée des unions spécialisées : Ufolep pour le sport, Ufolea pour l’éducation artistique, Ufocel pour le cinéma, Ufo-patronage pour les vacances, et l’Usep pour le sport scolaire. En 1935, elle s’engage à gauche contre le fascisme et en faveur de la nationalisation de l’enseignement.
Sous l’Occupation, la Ligue est persécutée : ses locaux sont saisis, ses animateurs ciblés. Elle participe néanmoins à la Résistance, mais sort fragilisée de la guerre. En 1947, elle crée avec le Syndicat des instituteurs la FCPE, pour contrebalancer l’influence des parents d’élèves de l’enseignement privé.
Pendant la IVe République, elle renforce ses actions culturelles, sportives et sociales, notamment en milieu rural. En 1954, elle dénonce la guerre d’Indochine, le colonialisme et milite pour une éducation publique et laïque.
Avec la Ve République, la Ligue entre dans une période plus difficile. La loi Debré (1959), qui finance les écoles privées, est contestée par le Cnal, dont elle fait partie. En 1960, la pétition contre la loi recueille 11 millions de signatures, aboutissant à la grande manifestation du Serment de Vincennes.
En 1966, elle réforme ses statuts et recentre ses missions sur l’éducation permanente. Mais dans les années 1970, la « municipalisation » progressive des activités nuit à son ancrage militant, même si elle reste présente dans le secteur des loisirs.
Face aux lacunes du service public en matière de formation professionnelle, elle crée l’Infrep en 1980. Puis, à partir de 1987, elle initie les Cercles Condorcet pour favoriser le débat citoyen.
En 1989, elle redéfinit sa conception de la laïcité, fondée sur la solidarité et la citoyenneté. Elle s’engage aussi dans la protection de l’environnement, comme en 1992 au Sommet de la Terre à Rio, avec une démarche d’éducation au développement durable.
En 1998, elle coorganise les Rencontres nationales de l’éducation à Rennes et s’implique dans les politiques éducatives territoriales. En 1999, elle rejoint le programme Lire et faire lire, qui mobilise des milliers de bénévoles pour transmettre le goût de la lecture aux enfants.
Fidèle à sa mission historique, elle propose en 2005 le projet Refonder l’école pour qu’elle soit celle de tous. En 2008, après un discours de Nicolas Sarkozy sur les « racines chrétiennes de la France », elle défend vigoureusement la laïcité républicaine.
Enfin, en 2010, elle est à l’origine de l’Appel de Bobigny pour une grande politique nationale en faveur de l’enfance et de la jeunesse. En 2016, à Strasbourg, la Ligue célèbre ses 150 ans et réaffirme ses trois piliers : laïcité, éducation et démocratie.
La fédération des œuvres laïques de Seine-Saint-Denis